Basic Verities – Prose and Poetry: Jewish Unrest (Charles Peguy – 1910)

Basic Verities – Prose and Poetry
by Charles Peguy

Rendered into English by Ann and Julian Green
Pantheon Books Inc., New York – 1943 (1945)

Notre Jeunesse, XI, 12, 1910

L’INQUIETUDE JUIVE

Jewish Unrest

How many times have I not thought about this singular people for whom the solidest of houses will never be more than tents.  –

A people for whom the stones of houses will always be the canvas of tents.

And for us, on the contrary, the canvas of tents was already, will always be the stone of our houses.

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ETRE AILLEURS, le grand vice de cette race, la grande vertu secrète; la grande vocation de ce peuple.  Une remontée de cinquante siècles ne le mettait point en chemin de fer que ce ne fût quelque caravane de cinquante siècles.  Toute traversée pour eux est la traversée du désert.  Les maisons les plus confortables, les mieux assises, avec des pierres de taille grosses comme les colortnes du temple, les maisons les plus immobilières, les plus immeubles, les immeubles les plus écrasants ne sont jamais pour eux que la tente dans le désert.  Le granit remplaça la tente aux murs de toile.  Qu’importe ces pierres de taille plus grosses que les colonnes du temple.  Ils sont toujours sur le dos des chameaux.  Peuple singulier.  Combien de fois n’y ai-je point pensé.  Pour qui les plus immobilières maisons ne seront jamais que des tentes.  — Peuple pour qui la pierre des maisons sera toujours la toile des tentes.  Et pour nous au contraire c’est la toile des tentes qui était déjà, qui sera toujours la pierre de nos maisons.  —

TO BE ELSEWHERE – the great vice of this race, its great and secret virtue, the great vocation of this people.  A train journey for this people with fifty centuries of caravans in its memory, means a caravan journey.  Any crossing for them means the crossing of the desert.  The most comfortable houses, the best built from stones as big as the temple pillars, the most real of real estate, the most overwhelming of apartment houses will never mean any more to them than a tent in the desert.  Granite replaced the tent with walls of canvas.  These stones, bigger than the temple pillars, don’t matter.  This people is always on camel back.  How many times have I not thought about this singular people for whom the solidest of houses will never be more than tents.  –  A people for whom the stones of houses will always be the canvas of tents.  And for us, on the contrary, the canvas of tents was already, will always be the stone of our houses. –

C’est faire beaucoup d’honneur au monde moderne, — c’est en méconnaître le virus que de dire: Le monde moderne est une invention, une forgerie, une fabrication, le monde moderne est inventé, a été inventé, monté, de toutes pièces, par les Juifs sur nous et contre nous.  C’est un régime qu’ils ont fait de leurs mains, qu’ils nous imposent, où ils nous dominent, où ils nous gouvernent, où ils nous tyrannisent; où ils sont parfaitement heureux, où nous sommes, où ils nous rendent parfaitement malheureux.

It is doing the modern world far too much honor, – we disregard its venom by saying: The modern world is an invention, a forgery, a fabrication; the modern world is invented, has been invented, entirely fabricated by the Jews over and against us.  That this is a regime made by their hands, imposed upon us, a regime which they have imposed on us, where they dominate us, govern us and tyrannize over us, where they are perfectly happy and where we are, where they make us perfectly unhappy.

C’est bien mal connaître le monde moderne, que de parler ainsi.  C’est lui faire beaucoup d’honneur.  C’est le connaître, c’est le voir bien superficiellement.  C’est en méconnaître bien gravement, (bien légèrement), le virus, toute la nocivité.  C’est bien en méconnaître toute la misère et la détresse.  Premièrement le monde moderne est beaucoup moins monté.  Il est beaucoup plus une maladie naturelle.  Deuxièmement cette maladie naturelle est beaucoup plus grave, beaucoup plus profonde, beaucoup plus universelle.

To talk thus is to know the modern world very badly.  It is to honor it far too much.  It is to know and to see it very superficially.  It is to very gravely (and very frivolously) disregard its venom and its noxiousness.  It is to disregard all its destitution and distress.  Firstly, the modern world is not properly designed.  It is really more of a natural disease.  Secondly, this natural disease is far graver, far deeper, far more universal.

Nul n’en profite et tout le monde en souffre.  Tout le monde en est atteint.  Les modernes mêmes en souffrent.  Ceux qui s’en vantent, qui s’en glorifient, qui s’en réjouissent, en souffrent.  Ceux qui l’aiment le mieux, aiment leur mal.  Ceux mêmes que l’on croit qui n’en souffrent pas en souffrent.  Ceux qui font les heureux sont aussi malheureux, plus malheureux que les autres, plus malheureux que nous.  Dans le monde moderne, tout le monde souffre du mal moderne.  Ceux qui font ceux que ça leur profite sont aussi malheureux, plus malheureux que nous.  Tout le monde est malheureux dans le monde moderne.

No one profits by it and everyone suffers from it.  Everyone is smitten by it.  The moderns themselves suffer from it.  Those who boast of it, who glory in it, who rejoice in it, suffer from it.  Those who love it best, love their disease.  Those who pretend to be happy are as unhappy, are more unhappy than the others, more unhappy than we.  In the modern world everyone suffers from the modern disease.  Those who pretend to profit by it are as unhappy, more unhappy than we are.  Everyone is unhappy in the modern world.

Les Juifs sont plus malheureux que les autres.  Loin que le monde moderne les favorise particulièrement, leur soit particulièrement avantageux, leur ait fait un siège de repos, une résidence de quiétude et de privilège, au contraire le monde moderne a ajouté sa dispersion propre moderne, sa dispersion intérieure, à leur dispersion séculaire, à leur dispersion ethnique, à leur antique dispersion.  Le monde moderne a ajouté son trouble à leur trouble; dans le monde moderne ils cumulent; le monde moderne a ajouté sa misère à leur misère, sa détresse à leur antique détresse; il a ajouté sa mortelle inquiétude, son inquiétude incurable à la mortelle, à l’inquiétude incurable de la race, à l’inquiétude propre, à l’antique, à l’éternelle inquiétude.

The Jews are more unhappy than the others.  The modern world does not favor them particularly, does not benefit them particularly, has not given them a resting place, a residence of peace and quiet.  Far from it.  On the contrary, the modern world has added its own dispersion, its inner dispersion to their century-old dispersion, their ethnical dispersion, to their ancient dispersion.  The modern world has added its unrest to their unrest.  In the modern world they hold cumulative offices.  The modern world has added its misery to their misery, its distress to their old distress.  It has added its mortal unrest, its incurable unrest to the mortal, the incurable unrest of the Jewish race.  To the unrest proper to the race, to its ancient, eternal unrest.

Il a ajouté l’inquiétude universelle à l’inquiétude propre.  —

It has added universal unrest to unrest proper. –

Les antisémites ne connaissent point les Juifs.  Ils en parlent, mais ils ne les connaissent point.  Ils en souffrent, évidemment beaucoup, mais ils ne les connaissent point.  Les antisémites riches connaissent peut-être les Juifs riches.  Les antisémites capitalistes connaissent peut-être les Juifs capitalistes.  Les antisémites d’affaires connaissent peut-être les Juifs d’affaires.  Pour la même raison je ne connais guère que des Juifs pauvres et des Juifs misérables.  Il y en a.  Il y en a tant que l’on n’en sait pas le nombre.  J’en vois partout.

The anti-Semites do not know the Jews.  They talk about them but they do not know them.  They suffer from them greatly of course, but they do not know them.  Perhaps the rich anti-Semites know the rich Jews.  Perhaps the capitalistic anti-Semites know the capitalistic Jews.  Perhaps anti-Semitic business-men know Jewish business-men.  For the same reason, I only know poor Jews and wretched Jews.  There are some.  There are so many that they cannot be counted. I see them everywhere.

Il ne sera pas dit qu’un chrétien n’aura pas porté témoignage pour eux.  — Depuis vingt ans je les ai éprouvés, nous nous sommes éprouvés mutuellement.  Je les ai trouvés toujours solides au poste, autant que personne, affectueux, solides, d’une tendresse propre, autant que personne, d’un attachement, d’un dévouement, d’une piété inébranlable, d’une fidélité, à toute épreuve, d’une amitié réellement mystique, d’un attachement, d’une fidélité inébranlable à la mystique de l’amitié.

It shall not be said that a Christian has not borne witness in their favor. – For twenty years I have tested them, we have mutually tested one another.  I have always found them firm at their posts, as much as anyone could be, affectionate, firm, as purely tender as anyone could be, fond, devoted, of unshaken piety, firmly faithful, offering really mystical friendship, fond, unshakingly faithful to the mysticism of friendship.

L’argent est tout, domine tout dans le monde moderne à un tel point, si entièrement, si totalement que la séparation sociale horizontale des riches et des pauvres est devenue infiniment plus grave, plus coupante, plus absolue si je puis dire que la séparation verticale de race des juifs et des chrétiens.  La dureté du monde moderne sur les pauvres, contre les pauvres, est devenue si totale, si effrayante, si impie ensemble sur les uns et sur les autres, contre les uns et contre les autres.

Money is everything; it rules everything in the modern world so entirely and to such an extent that the social separation of the rich and the poor along horizontal lines has become infinitely graver, more cutting and more absolute, if I may say so, than the vertical separation between the Jewish race and the Christians.  The hardness of the modern world towards the poor, against the poor, has become so entire, so terrifying and altogether so impious towards the ones and the others, against the ones and against the others.

Dans le monde moderne les connaissances ne se font, ne se propagent que horizontalement, parmi les riches entre eux, ou parmi les pauvres entre eux.  —

In the modern world, acquaintances are made only, spread only, horizontally – the rich among themselves, the poor among themselves. –

Pauvre je porterai témoignage pour les Juifs pauvres.  — Dans cette galère du monde moderne je les vois qui rament à leur banc, autant et plus que d’autres, autant et plus que nous.  Autant et plus que nous subissant le sort commun.  Dans cet enfer temporel du monde moderne je les vois comme nous, autant et plus que nous, trimant comme nous, éprouvés comme nous.  Epuisés comme nous.  Surmenés comme nous.  Dans les maladies, dans les fatigues, dans la neurasthénie, dans tous les surmenages, dans cet enfer temporel j’en connais des centaines, j’en vois des milliers qui aussi difficilement, plus difficilement, plus misérablement que nous gagnent péniblement leur misérable vie.

Poor myself, I will bear witness in favor of the poor Jews. – In this galley of a modern world I see them rowing at their bench, as hard and harder than the others, as hard and harder than we.  They undergo the common lot as much and more than we.  In this temporal hell of the modern world I see that they drudge and are tried like us and more than us.  Worn out like us.  Overworked like us. In these diseases, fatigues, neurasthenias, in all the overwork of this temporal hell, I know hundreds of them.  I see thousands of them who painfully earn their wretched livings, as hard, harder, more miserably than we do.

Dans cet enfer commun.

In this common hell.

Des riches il y aurait beaucoup à dire.  Je les connais beaucoup moins.  Ce que je puis dire, c’est que depuis vingt ans j’ai passé par beaucoup de mains.  Le seul de mes créanciers qui se soit conduit avec moi non pas seulement comme un usurier, mais ce qui est un peu plus, comme un créancier, comme un usurier de Balzac, le seul de mes créanciers qui m’ait traité avec une dureté balzacienne, avec la dureté, la cruauté d’un usurier de Balzac n’était point un Juif.  C’était un Français, j’ai honte à le dire, on a honte à le dire, c’était hélas un «chrétien», trente fois millionnaire.  Que n’aurait-on pas dit s’il avait été Juif.

About the rich there would be much to say.  I know far less about them.  What I can say is that in twenty years I have gone through many hands.  The single one of my creditors who behaved to me not only like a usurer, but what is saying rather more, like a creditor, like one of Balzac’s usurers, the single one of my creditors who treated me with Balzacian harshness, with the harshness, the cruelty of one of Balzac’s usurers, was not a Jew.  He was a Frenchman, I am ashamed to say.  One is ashamed to say that he was, alas, a Christian, a millionaire thirty times over.  What wouldn’t have been said, had he been a Jew?